đč 365 secondes pour une nouvelle annĂ©e et la fin des codes Free Wifi
Les vidéos tournées pendant le confinement suintent-elles d'un traumatisme commun ? La fin de Free Wifi est-elle le signe de la disparition une référence culturelle commune ?
Jan 7 |
arobase, câest chaque semaine une rencontre avec celles et ceux qui font internet (artistes, vidĂ©astes, chercheuses et chercheurs, journalistes) ; des pĂ©pites, souvenirs de temps passĂ© sur internet ou documents originaux ; des rendez-vous de choses Ă voir et Ă Ă©couter.
đč Rencontre avec Roger Odin
Câest une leçon de patience puisque le rĂ©sultat final nâest obtenu quâĂ la fin de lâannĂ©e. Depuis plusieurs annĂ©es, Pierre Lapin, crĂ©ateur multimĂ©dia, propose une vidĂ©o composĂ©e de 365 secondes, soit une par jour. RĂ©sumant son annĂ©e, elle compile des moments des vie, des moments entre ami·es, des captures dâĂ©cranâŠ
Pierre Lapin a essaimĂ© et nâest pas le seul Ă faire de telles vidĂ©os. En cherchant un peu, on trouve de nombreuses vidĂ©os publiĂ©es le 1er janvier, produites notamment Ă lâaide de lâappli 1 Second Everyday.
Les diffĂ©rentes vidĂ©os que jâai pu voir â certaines privĂ©es, dâautres publics comme celles de CloclofaitdesvidĂ©os, de Mercicitron, etc. (une playlist en rĂ©pertorie plusieurs) â montrent certaines images communes. LâannĂ©e 2020 fut particuliĂšre, câest un euphĂ©misme. Et pas seulement parce quâelle compte 366 jours.
Ă partir dâune minute 12, quelle que soit la vidĂ©o, on a lâimpression dâentrer dans une boucle, avec de nombreux Ă©crans filmĂ©s, des interventions prĂ©sidentielles, des canapĂ©s, des parties de jeux vidĂ©os⊠Rien de surprenant ; cependant, au delĂ de lâexpĂ©rience partagĂ©e, le traumatisme commun affleure.
Jâai trouvĂ© un Ă©cho Ă ces vidĂ©os dans le film rĂ©alisĂ© par Roger Odin, MĂ©fiez-vous de la crypte. Ce chercheur en sciences de la communication a filmĂ© sa vie pendant la premiĂšre pĂ©riode de confinement. Il a ensuite montĂ© ces quelques images, en les analysant a posteriori, dans un exercice de recherche-crĂ©ation.
« Mon souci est de transformer cette accumulation en un discours susceptible de faire passer des idĂ©es (au moins des interrogations) ; le montage marque le passage Ă une position mĂ©ta par rapport Ă ce qui a Ă©tĂ© tournĂ© ; il marque une prise de distance, une volontĂ© de rĂ©flexion, un retour sur le vĂ©cu et permet aussi une thĂ©orisation de la situation », mâexplique Roger par mail.
« Lorsque jâai visionnĂ© ces vidĂ©os tournĂ©es pendant le confinement, je les ai trouvĂ©es bizarres », expliquait le chercheur, lors de la prĂ©sentation de son film Ă lâoccasion du colloque Pandemix.mob. « Ce film parle du confinement, Ă mon insu. »
Alors quâil pensait filmer des moments familiaux devant la tĂ©lĂ© ou de simples natures mortes, il rĂ©alise quâil filme lâenfermement. On le voit Ă©galement se raser face Ă la camĂ©ra : « Je me filme comme si jâavais besoin dâattester de ce que je fais, ou plutĂŽt, que je fais quelque chose, malgrĂ© le confinement », commente-il.
« Je me suis rendu compte que le confinement m'avait poussĂ© Ă me filmer, ce que je ne fais jamais⊠D'oĂč le dĂ©sir de savoir pourquoi ? pas seulement par narcissisme c'est certain ; pour exister, pour tĂ©moigner, pour me voir entrain de faire (c'est rassurant), pour archiver les traces que cette pĂ©riode imprime sur le visage », prĂ©cise-t-il, par mail.
Le traumatisme de la période de confinement suinterait de la production de vidéos de Roger Odin. En conclusion de son montage, le chercheur cite les psychanalystes Nicolas Abraham et Maria Torok, et leur concept de « crypte » :
« Il arrive que certaines expĂ©riences (traumatiques) restent en souffrance de symbolisation (dâassimilation psychique). Elles se trouvent incorporĂ©es, et demeurent actives, mais elles agissent le sujet Ă son insu, Ă partir dâune vacuole psychique comparable Ă un caisson sĂ©parĂ©, ou Ă une crypte. »
On peut imaginer que cette pĂ©riode de confinement suinte de toutes nos images de lâĂ©poque. Peut-ĂȘtre faut-il se retourner sur nos productions et y chercher des traces, remonter nos vidĂ©os et photos pour mieux comprendre les traumatismes qui sâen Ă©chappent malgrĂ© nous.
Pépite
Chaque semaine, je vous propose des pépites, souvenirs de temps passé sur internet ou documents originaux.
Le 14 novembre 2009, une camarade envoie un mail dĂ©sespĂ©rĂ© Ă toute la classe : « Est-ce que l'un d'entre vous aurait un abonnement Free et encore mieux, des codes pour le rĂ©seau Free Wifi. (âŠ) Nous sommes en panne d'Internet et c'est assez problĂ©matique pour bosser. » Dans mon historique WhatsApp, je retrouve plusieurs demandes, Ă©galement.
Dans les moments de disette numĂ©rique, le rĂ©seau Free Wifi Ă©tait souvent le dernier recours, mais nĂ©cessitait les fameux codes⊠Quâil fallait donc quĂ©mander dâune maniĂšre ou dâune autre si on nâĂ©tait pas abonnĂ© chez Free.
Ce rituel devrait cependant bientĂŽt sâarrĂȘter. « Avec lâexplosion de la 4G, le besoin est moindre », expliquait, par mail, Xavier Niel Ă un internaute cet Ă©tĂ©, dans un Ă©change publiĂ© la semaine derniĂšre.
Free Wifi, et ses fameux codes, étaient devenus sources de nombreux contenus en ligne, que ce soit des tweets au premier degré, des blagues, des mÚmes ou un levier pour gagner quelques visiteur·ses.
Sans trop chercher, on tombe ainsi de nombreux sites proposant des codes Free Wifi, sous diffĂ©rents formats. Sur Youtube, on voit de nombreuses vidĂ©os qui durent plusieurs secondes proposer un seul compte sous forme dâanimation. Ces vidĂ©os sont rĂ©servĂ©es aux adultes connectĂ©s, ne me demandez pas pourquoi.
On trouve des comptes Youtube dâenfants avec 34 abonné·es partager des codes pour gratter des abonnements⊠Les vidĂ©os sont beaucoup vues, mais les compteurs dâabonné·es restent Ă un trĂšs faible niveau⊠Sont-ces des codes trouvĂ©s ailleurs ? Ceux de leurs parents ?
Lâinternet mobile sonne donc la fin dâune rĂ©fĂ©rence culturelle partagĂ©e par de nombreux internautes français⊠Le partage Wifi nâest cependant pas complĂštement mort et conserve certains avantages face aux rĂ©seaux mobiles, notamment en zone blanche.
Ă lire
Dans son numĂ©ro de novembre-dĂ©cembre, la revue Topo revient sur une pratique souhaitĂ©e comme la moins visible possible : la publicitĂ© pour lâalcool sur Internet, Ă destination notamment des plus jeunes. Normalement, celle-ci est encadrĂ©e par la loi Evin qui impose notamment une mention sur les dangers de lâalcool, lâapparition de bouteilles fermĂ©es exclusivement et une mention explicite en cas de partenariat rĂ©munĂ©rĂ©.
Tous les moyens sont bons nĂ©anmoins pour attirer de nouveaux publics et maintenir une image festive et inoffensive Ă lâalcool. Les jeux Ă boire pululent sur les app stores, les concours photos se multiplient sur les rĂ©seaux sociaux⊠La revue aborde Ă©galement les traces laissĂ©es sur internet ainsi que le succĂšs de Say so, grĂące Ă TikTok.
Les ados trinquent, Ăric Coder et Marion Mousse, Topo n°26, novembre-dĂ©cembre 2020
Le Web dâ@vant, câest une compilation de plein de moments qui font le web que certain·es ont connu. Geocities, les gifs animĂ©s, les livres dâor ou encore les communautĂ©s de fan sont Ă©voquĂ©s. Le livre de Morgane Tual propose ainsi un retour en arriĂšre Ă picorer ou une dĂ©couverte archĂ©ologiques des premiers moments du web.
Est mentionné notamment dans le livre un grand moment de la télévision française, en 1996, lorsque Thierry Lhermitte a présenté internet en direct à un Jean-Luc Delarue un peu perdu. Thierry Lhermitte avait également réalisé un CR-Rom expliquant internet, dont les vidéos ont été récemment mises en ligne.
On parle de nous
Xavier de La Porte, producteur et animateur du Code a changĂ©, super podcast quâon vous a dĂ©jĂ recommandĂ©, a dĂ©clarĂ© que câĂ©tait « toujours un plaisir de lire arobase ». Merci Ă lui !
Faites comme lui : partagez arobase Ă vos proches, vos abonné·es et plus loin encore. Et tous mes vĆux de rĂ©ussite pour lâannĂ©e qui commence !
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