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đŸ‘źâ€â™€ïž Un duo d'artistes et les violences policiĂšres ; le chat de Fun radio

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đŸ‘źâ€â™€ïž Un duo d'artistes et les violences policiĂšres ; le chat de Fun radio

Le duo fleuryfontaine propose dans « Contraindre » et « Pax » un réflexio sur les violences policiÚres, documentées grùce aux réseaux sociaux. Je me souviens ensuite du chat de Fun Radio en 2003...

Nov 12, 2020
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đŸ‘źâ€â™€ïž Un duo d'artistes et les violences policiĂšres ; le chat de Fun radio

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arobase, c’est chaque semaine une rencontre avec celles et ceux qui font internet (artistes, vidĂ©astes, chercheuses et chercheurs, journalistes) ; des pĂ©pites, souvenirs de temps passĂ© sur internet ou documents originaux ; des rendez-vous de choses Ă  voir et Ă  Ă©couter.

đŸ‘źâ€â™€ïž Rencontre avec fleuryfontaine

Contraindre et Pax, les derniĂšres oeuvres du duo d'artiste fleuryfontaine – prĂ©sentĂ©es cet automne au Fresnoy et Ă  la galerie Glassbox Sud Ă  SĂšte – Ă©voquent les violences policiĂšres qui Ă©maillent les manifestations depuis de nombreux mois et dont les stigmates abreuvent les rĂ©seaux sociaux.

Le travail de fleuryfontaine, dont j’avais parlĂ© dans le dixiĂšme numĂ©ro de Nichons-nous dans l’Internet est inspirĂ© par les jeux vidĂ©os et nous fait Ă©voluer dans des dĂ©cors reproduits en 3D. Ils ont par exemple reproduit la chambre d’un hikikomori, ces adolescents qui s’isolent du monde, dans leur Ɠuvre Ange – d’ailleurs visible sur le site de Beaux Arts Magazine. Ils ont aussi modĂ©lisĂ© des couloirs de lieux de passage ou encore des paysages urbains. Dans leurs nouvelles Ɠuvres, ce sont les corps qu’ils reproduisent et explorent.

Contraindre est une rĂ©flexion sur les violences policiĂšres. Le film montre principalement des silhouettes, « des pantins sans vie et sans histoire », comme les dĂ©crit Antoine Fontaine, une des deux tĂȘtes de fleuryfontaine, avec qui j’ai parlĂ© il y a quelques jours sur Skype. Des silhouettes blanches qui parcourent des paysages urbains dĂ©sertiques, se contorsionnant, vivant des agressions causĂ©es par des fantĂŽmes invisibles. 

« La vie des gens est bouleversĂ©e par ces blessures, ils perdent leur travail, leur vie d’avant. C’est pour ça aussi qu’on voit des gens aux prises avec des forces invisibles. » 

Pax, prĂ©sentĂ© cet automne Ă  SĂšte, Ă  la Chapelle du Quartier Haut, dans une exposition organisĂ©e par Glassbox, se concentre sur « des bouts d'hommes et de femmes triturĂ©s par les “gardiens de la paix” », qui ont Ă©galement vu leur vie changer pour avoir participĂ© Ă  une manifestation, ou simplement avoir couru. Ces « bouts d’hommes » sont inspirĂ©s par autant de faits rĂ©els : mains arrachĂ©es par des grenades GLI-F4, oeil pochĂ© par un LBD ou encore Ă©clats de grenade dans une cuisse.

Le duo d’artiste a compilĂ© une collection d’images, vidĂ©os et liens, sur un site dĂ©diĂ© pour documenter toutes ces violences. « On a fait un catalogue de scĂšnes d’agression et Contraindre reproduit ces scĂšnes », explique l’artiste. Les vidĂ©os d’agressions publiĂ©es sur les rĂ©seaux sociaux, expliquĂ©es par des associations de victimes ou des ONG, cĂŽtoient des illustrations d’un guide de self-dĂ©fense archivĂ© sur Gallica ou une vidĂ©o de dĂ©monstration d’un cascadeur. Les visages connus des personnes tuĂ©es lors d’interventions policiĂšres dĂ©filent Ă©galement ; « des noirs et des arabes », rappelle Antoine.

Les modĂ©lisations font Ă©cho au travail de Forensic Architecture, qui recrĂ©e, grĂące Ă  des sources ouvertes, diffĂ©rents Ă©vĂ©nements en 3D, dont le meurtre de Mark Duggan par la police londonienne, ou la mort d’Adama TraorĂ©. Mais alors que les vidĂ©os de l’organisation sont froides et chirurgicales, celles de fleuryfontaine nous plongent dans un univers anxiogĂšne.

La fin du film montre une danseuse au sol, le genou d’une autre danseuse sur le dos. La camĂ©ra se recule. Il y a en fait quatre personnes en combinaisons noires pour en maĂźtriser une seule. Cette posture est un placage ventral. « On peut mĂȘme dire qu’ils font bien leur travail », commente la voix-off.

Une posture similaire a coĂ»tĂ© sa vie Ă  George Floyd, un noir-AmĂ©ricain dont la mort le 25 mai est apparue sur les Ă©crans du monde entier. Un trop-plein d’images. La journaliste Rokhaya Diallo interrogĂ©e dans Programme B en juin dernier expliquait son choc de voir ces images multi-diffusĂ©es en ligne, et dans les mĂ©dias. «Une fois que les images existent, et qu’elles peuvent faire office de preuve, on n’a pas besoin de participer Ă  leur circulation. » Elle dĂ©nonce une dĂ©shumanisation de ces victimes, souvent noires, dont la mort est ainsi regardĂ©e, diffusĂ©e.

Pour en revenir à Contraindre, cette scÚne de fin, avec quatre silhouettes en maintenant une seule au sol a été tournée avant la mort de George Floyd. « On avait déjà la scÚne de fin, le placage ventral est dénoncé par de nombreuses associations depuis longtemps : cette position tue réguliÚrement des gens », rappelle Antoine Fontaine.

En janvier, CĂ©dric Chouviat mourrait lui aussi des suites d’un placage ventral. Les vidĂ©os tournĂ©es par les policiers ou par des passants ont depuis permis d’en savoir plus sur sa mort. Une diffusion de vidĂ©os qui pourrait ĂȘtre freinĂ©e dans les prochains mois, selon plusieurs associations, si la proposition de loi « SĂ©curitĂ© globale » passe en l’état, notamment son article 24. Elle est Ă©tudiĂ©e Ă  partir de mardi en sĂ©ance publique Ă  l’AssemblĂ©e nationale.

Filmer policiers et gendarmes « est une condition essentielle Ă  l’information, Ă  la confiance et au contrĂŽle efficient de leur action », rappelait la DĂ©fenseur des droits rĂ©cemment. Les pantins blancs de Contraindre ou de Forensic Architecture seront-ils bientĂŽt le seul moyen autorisĂ© de tĂ©moigner des violences policiĂšres ?

đŸ± PĂ©pites

Chaque semaine, je vous propose des pépites, souvenirs de temps passé sur internet ou documents originaux.

En 2003, je plongeais pour la premiĂšre fois sur internet sans supervision. J’étais au Texas, j’avais ma propre chambre, et mon propre ordinateur. Je vivais avec sept heures de dĂ©calage avec la France et j’avais pris pour habitude de terminer mes fins de journĂ©es sur le chat de Fun Radio, en compagnie des noctambules français.

J’ignore combien de gens se connectaient pendant la journĂ©e ; pendant la nuit, nous Ă©tions une petite dizaine. Je ne me souviens pas de mes Ă©changes. Je me souviens d’une femme, vaguement. Je dirais qu’elle avait la trentaine. Elle aurait pu s’appeler Solange. Elle Ă©tait lĂ  presque tous les soirs.

Quand j’essaie de retrouver des traces du chat de Fun Radio, Web Archive agit comme une puissante machine Ă  remonter le temps. Les petites animations en Flash qui gigotent et parsĂšment la page d’accueil de la radio sont comme des madeleines qui me font revivre les mĂȘmes sensations qu’à l’époque


« Les salons oĂč l’on cause avec les stars et les internautes », rappelle la page d’accueil du chat, redirigeant vers les salles « GĂ©nĂ©ral », « Rencontres » ou « SpĂ©cial quiz ». Le 5 fĂ©vrier 2003, les internautes pouvaient ainsi parler avec les L5 (« Toutes les femmes de ta vie ») ; le 12 fĂ©vrier, c’était avec Kana ( « J’ai des petits problĂšmes dans la plantation »).

Il est difficile de retrouver en ligne des traces de conversations, ou mĂȘme l’interface de ce chat, qui fonctionnait grĂące Ă  IRC. Les archives proposĂ©es des chats sur Fun Radio avec les stars ne sont plus accessibles. A peine trouve-t-on quelques rendez-vous.

Sur jeuxvideo.com, en octobre 2002, on dĂ©couvre la mĂ©thode d’Aeternus pour se rendre sur le chat de Fun Radio avec le logiciel MIRC. « Ce sont que des dĂ©biles mentaux la bas je te prĂ©viens... », conclut-il nĂ©anmoins. Quelques mois plus tard, en janvier 2003, sur un forum dĂ©diĂ© aux Sims, MĂ©lina et AdĂ©lie proposent de se retrouver sur le chat de Fun Radio :

[Melina11] Coucou tu me pardonne adelie?tu veu aller sur un chat ? ou quelq1 d’autre?
[Ad_sims] mé enfin melina t pardoné depuis lonten!!!!Si tu ve alé sur fun radio di le moi...
[Melina11] moi je veu bien

Un rapport de recherche rĂ©alisĂ© en 2003, apparu sur Google alors que je cherchais des bouts de chat en ligne, revient sur le « processus d’individualisation des jeunes », notamment grĂące Ă  Internet. Ce rapport, Les espaces de l’autonomie des prĂ©adolescents » interviewe des jeunes français et allemand sur leurs pratiques numĂ©riques.

[Martial] Ă©coute surtout Fun radio, notamment une Ă©mission oĂč des gens appellent pour raconter leurs petites histoires (
) Il se rend sur des sites de « tchatche », mais il trouve la procĂ©dure, notamment pour retrouver le « salon privĂ© » qu’il a créé avec ses copains, trop lourde, trop lente. (
) Avant il allait voir son pĂšre sur les tchatches sur Wanadoo, car il Ă©tait connectĂ© Ă  son bureau. Martial lui envoyait des messages pour voir s’il Ă©tait Ă  son bureau ou pas.

Et vous, quels sont vos souvenirs de chats en ligne et d’IRC ? Étiez-vous plutĂŽt chat de Fun radio, d’NRJ ou de Wanadoo ? Ou peut-ĂȘtre Ă©tait-ce Caramail ? Laissez un commentaire, tĂ©moignez, ils serviront peut-ĂȘtre pour une prochaine newsletter.

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🎧 À Ă©couter, Ă  visiter

En septembre, Xavier de La Porte recevait, dans son podcast « Le code a changé », Émilie Brout et Maxime Marion, autre duo d’artistes pour Ă©voquer leur travail. 44 minutes de discussions autour des Ɠuvres dont le matĂ©riau est puisĂ© sur internet.

Ces deux artistes (que nous avions interrogĂ©s pour Nichons-nous dans l’Internet) savent, remarque Xavier de La Porte, « mettre en scĂšne » les contradictions du numĂ©rique, avec humour et crĂ©ativitĂ©. Suivez Xavier dans ses rĂ©flexions et Ă©coutez les deux artistes raconter leur travail, et interroger le monde numĂ©rique qui nous entoure.

  • « Quand les artistes s'emparent des questions numĂ©riques », Xavier de La Porte, 44 minutes 58

Le fait que bon nombre de nos conversations soient écrites et échangées grùce à des machines les rend plus perméables à la censure. Le contrÎle par le gouvernement chinois des textes diffusés en ligne a poussé de nombreux internautes à imaginer autant de moyen de contourner cette censure.

DĂ©veloppĂ© par Qianqian Ye et Xiaowei Wang, et soutenu par Mozilla’s Creative Media Award, TheFutureOfMemory.Online est un site qui propose entre autres choses un panel d’outils pour tromper les ordinateurs et les censeurs.

Convertisseur de texte en Ă©mojis, gĂ©nĂ©rateur d’idĂ©ogrammes, traducteur en morse sont autant d’outils et tactiques compilĂ©s ou créés par les deux artistes pour sensibiliser sur la censure gouvernementale chinoise et sur la crĂ©ativitĂ© humaine et collective qui permet de s’en affranchir.

  • Algorithmic Censorship Resistance Toolkit, The Future of Memory Online, Qianqian Ye et Xiaowei Wang

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