🎧 Une création « multi-voix » autour de Chip Chan
Une femme surnommée « Chip Chan » est suivi par de nombreux internautes, que Jeanne Mayer a rencontré·es. RYBN vous aide à devenir un robot.
🎧 Rencontre avec Jeanne Mayer
Dès qu’il a été possible de retransmettre un flux de vidéo à travers internet, certain·es s’en sont emparé·es pour diffuser une partie de leur vie. Jeanne Mayer, réalisatrice et autrice, s’est penchée sur Chip Chan, le surnom donné à une femme coréenne qui streame sa vie depuis 2008, dans un documentaire diffusé dans Les Pieds sur terre.
Chip Chan rejoint une longue liste d’internautes, souvent des femmes, à mettre ainsi en scène leur vie en direct. Dans Lurking, dont nous parlions dans le précédent numéro d’arobase, Joanne McNeil évoquait la genèse de ces expériences : Jennifer Ringley, une étudiante de 19 ans à diffusé sur internet dès 1996 la retransmission en direct d’une webcam placée dans sa chambre à l’université, devenue la JenniCam ; Ana Voog a commencé en 1997 et racontait dans Vice qu’elle avait trouvé dans ce format un moyen de concilier son agoraphobie et son désir de représentation.
« Quelqu’un qui regarde la télévision est un public mais quelqu’un qui regarde Ana Voog est un·e co-conspirateur·ice », note Joanne McNeil dans son livre. C’est justement ces co-conspirateur·ices qui ont inspiré Jeanne Mayer dans son enquête sur Chip Chan. « Chip Chan est presque secondaire dans l’histoire, m’explique Jeanne par téléphone. La communauté ne se crée pas avec elle, mais autour d’elle, d’internaute à internaute. »
Posons déjà ce que l’on sait : Chip Chan diffuse depuis au moins 2008 des streams la montrant chez elle. Trois webcams filment son appartement. Elle y apparaît très régulièrement, parfois entourée de panneaux avec des textes, écrits en coréen. De nombreux billets de blogs signés par Chip Chan existent sur internet. Une trentaine de blogs lui sont attribués.
On lit, sur un site dédié, qu’elle veut qu’on l’appelle Jane Ro. Elle raconte être retenue otage d’un policier à la retraite, qu’elle surnomme « P ». Elle évoque régulièrement des « armes contrôlant l’esprit », sortes de puce RFID dont elle serait une des victimes ; elles lui ont d’ailleurs donné son surnom, « chip » signifiant « puce » en anglais.
« Certains internautes communiquent avec elle mais elle répond des messages copiés-collés », explique aussi Jeanne Mayer. Les internautes se retrouvent sur Discord, échangent entre eux au sujet de Chip Chan. Ils cherchent, s’enfoncent dans un « vortex sur lequel on glisse parfois dans le web », selon les mots de Jeanne, à la recherche d’indices sur elle, sur celui qui la séquestre. La femme a disparu depuis novembre 2020.
Parmi ces internautes, Connor, un jeune homme de 16 ans, vivant aux Philippines. « Il est mal dans sa peau, il essaie d’avoir une existence à travers la communauté », détaille Jeanne, qui est tombé dans un « vortex » similaire en essayant de comprendre qui était Connor. « J'ai compris en réalisant mon enquête ce qu'il raconte de sa relation avec Chip Chan : je m'inquiète pour lui maintenant. »
« Internet nous donne la croyance qu’on connaît les gens à travers leurs traces en ligne », rappelle Jeanne et ces relations parasociales créent de l’inquiétude : les internautes qui suivent Chip Chan depuis longtemps s’inquiètent pour elle, Jeanne s’inquiète pour Connor. En restent plusieurs créations « multi-voix et multiformes » en ligne, qui enthousiasment Jeanne, auxquelles s’ajoutent désormais son enquête audio.
À voir
Les galeries ont rouvert depuis quelques semaines maintenant, mais je n’ai pas encore eu le temps d’en profiter. 22,48m2 présente à partir d’aujourd’hui le travail de Claudia Larcher, qui a travaillé avec des sculpteurs de masques sinhala établis au Sri Lanka pour recréer les émojis fréquemment utilisés.
Ces masques, ainsi déposés sur les visages, me font penser aux photos partagées en ligne, où les gens masquent les visages visibles avec un émoji pour protéger leur anonymat, que ça soit des visages d’enfants ou des photos prises dans la rue. Ils sont à découvrir à la galerie 22,48m2.
Êtes-vous un robot ? À force de cliquer sur des images, de remplir des champs de texte ou de simplement interagir en ligne, nous avons acquis la certitude que ce n’était pas le cas. Mais saurions-nous nous faire passer pour un robot ? C’est bien plus compliqué qu’on ne peut le croire.
Le collectif artistique et de recherche RYBN a construit « DOUBLE NEGATIVE CAPTCHAs », pour nous entraîner à agir comme un robot, et la liste de recommandations est longue. Une occasion de se rendre compte de tout ce qui nous trahit, au delà de notre IP, de nos habitudes, jusqu’à nos mouvements de souris.
Merci de votre lecture ! Pour convaincre vos ami·es ou d’autres de devenir des lecteurs et lectrices d’arobase à leur tour :
👉 Parlez de la newsletter à vos proches et à celles et ceux qui pourraient l’apprécier ;
👉 Partagez-nous sur vos réseaux sociaux préférés ;
👉 Envoyez-nous vos idées, coups de cœur, recommandations…
Vous pouvez aussi relire tous les anciens numéros d’arobase à l’adresse arobase.substack.com.