😎 Best-of d'été
Des faits-divers racontés sur Youtube, un émoji controversé, une star de TikTok et des hélicoptères militaires au menu de cette sélection estivale.
L’été arrive et cette publication va prendre une pause. Nous allons préparer quelques entretiens pour la fin du mois d’août, et trouver des liens, et des histoires, toujours plus nombreuses, à vous partager. N’hésitez pas à nous en envoyer de votre côté en répondant à ce message, où à l’adresse arobase@alphoenix.net.
Dans cette première saison, nous avons interviewé plus d’une vingtaine de personnes sur leur travail et la façon dont internet le nourrissait. Sept hommes et dix-sept femmes, des artistes, des chercheur·ses et créateur·ices… Nous avons inspiré des rencontres, professionnelles ou artistiques. Avant l’été, nous vous proposons un petit tour d’horizon de liens divers, et d’univers à explorer.
« True crime »
Internet a donné un peu plus de relief aux faits-divers. Des créatrices attirent des spectateurs en racontant ces faits-divers, comme Victoria Charlton, une femme canadienne qui compte plus de 600 000 abonné·es à sur YouTube. Elle raconte des faits-divers à partir de recherches personnelles et a été surnommée « la Pierre Bellemare des ados » par Le Parisien.
En février, par exemple, elle racontait l’histoire de Valérie Bacot, condamnée récemment à quatre années de prison, dont trois avec sursis, pour le meurtre de son mari et tortionnaire. Ses récits sont entrecoupés d’extraits vidéos et illustrés d’images.
« On n’est pas en rupture. Leurs vidéos reprennent tous les codes du format confession intime typique de la youtubeuse, beauté ou autre. Ce sont des formats dans lesquels un rapport de proximité est entretenu », analyse Claire Balleys, docteure en sociologie de la communication et des médias à la Haute école de travail social de Genève, dans Libération.
Liv réalise le même genre de vidéos pour plus de 700 000 abonné·es. Française, elle raconte des faits-divers, mais aussi des histoires plus romancées, comme celle de son appartement hanté. Elle explique au Monde son organisation : « Je publie une vidéo tous les jeudis et il me faut une organisation très calibrée : je passe deux-trois jours sur le script, un jour à tourner, je monte les vidéos déjà tournées en parallèle et je regarde ce qu’il se passe dans les commentaires le vendredi. C’est une activité annexe qui n’est pas totalement annexe, ça peut être extrêmement chronophage. »
Récemment, face caméra, elle a raconté son expérience de lassitude liée à son travail sur sa chaîne. « Ce n’est pas un souci qui n’appartient qu’à moi, mais il appartient à de nombreuses personnes », prévient-elle. Un sentiment effectivement partagé par de nombreu·ses créateur·ices, comme nous l’évoquions dans notre dernier numéro d’arobase.
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Les émojis sont un langage commun qui repose sur un consensus organisé par le consortium Unicode. L’ambition des émojis est d’être aussi inclusifs que possible. En témoigne d’un côté la réflexion sur des émojis universel, comme le ravioli que nous évoquions il y a quelques semaines, ou de l’autre les évolutions concernant les représentations genrées, les couleurs de peau ou des ajouts spécifiques à une culture.
Dans un long article pour la revue Logic, Nayantara Ranganathan détaille cependant le manque de neutralité de l’émoji « hindu temple », introduit dans Unicode 12.0, à la suite d’une requête déposée en 2017. La forme et la couleur du temple utilisées dans l’émoji rappellent celles du projet de temple d’Ayodhya, très controversé. Quant au drapeau rouge, présent notamment chez Apple, Twitter ou Whatsapp, il ressemble à celui du groupe nationaliste RSS.
La couleur safran utilisée pour le temple ne correspond qu’à une partie des temples construits. En revanche, elle correspond à une expression indienne, remarque l’auteur. La safranisation correspond à une ambition des nationalistes de réécrire l’ensemble de l’histoire du sous-continent indien, sous un prisme hinduiste…
Nayantara Ranganathan rapporte qu’il est alors utilisé aussi bien pour signifier sa foi que pour des appels à la violence islamophobes. Un échec dans la construction de cet émoji, selon l’auteur, qui montre selon lui que le consortium Unicode « privilégie les préoccupations économiques des entreprises technologiques, et replique la manière dont celles-ci voient, ou échouent à voir, le monde ».
Circulation
Sarah Mirk est journaliste. Elle dessine également. Elle travaille notamment pour The Nib. Dans un récent post sur Instagram, elle raconte comment une photo qu’elle a prise pour montrer comment alimenter Wikipedia a été reprise par le site parodique Reductress, dans son article How to Wear a Jean Jacket and Beanie Without Appropriating Bi Culture.
La photo a été prise en octobre 2019 et versée dans la foulée sur Wikipedia. Elle n’est utilisée sur l’encyclopédie en ligne que pour illustrer l’article consacré à Sarah Mirk, ainsi que sa version française. Elle est sous licence libre, donc peut-être réutilisée sous conditions : mentionner l’autrice. Quelques années plus tard, Reductress utilise la photographie pour un article. Ça change des banques d’image artificielles.
À lire, à voir
Khaby Lame est arrivé sur TikTok est présent sur TikTok depuis mars 2020. Le jeune homme, arrivé en Italie à l’âge de un an ne parvient pas encore à obtenir la nationalité italienne. Il est devenu celèbre sur TikTok grâce à un type de vidéo : démystifier tous les « life hacks » qui se multiplient sur la plateforme. Le New York Times lui a consacré un portrait.
Verser du lait sans encombre, enlever le noyau d’un avocat, éplucher un ananas sans couteau… Particulièrement engageantes, surtout lorsqu’elles sont surprenantes, ces astuces ont envahi TikTok. Elles sont partagées ou réinterprétées dans des collages et fact-checkées. Elles sont également parodiées, et c’est là que Khaby Lame entre en scène. Il répond, tout en nonchalance, grâce à des collages ou des duos, à ces astuces par un rappel : le plus simple est parfois le meilleur.
Khaby Lame, the Everyman of the Internet, Jason Horowitz et Taylor Lorenz, New York Times, 2 juin 2021
L’ensemble des images utilisées par Éléonore Weber pour son film Il n’y aura plus de nuit, ont été trouvées en ligne. Publiées pour promouvoir une arme, pour exposer ses exploits ou pour révéler la vérité - comme le fut la vidéo Collateral murder, diffusée par Wikileaks - elles montrent des moments de vie de pilotes d’hélicoptères militaires.
Eléonore Weber analyse dans Techikart : « Ces vidéos sont bien sûr classés secret défense, il est interdit de les diffuser, mais un certain nombre d’entre-elles sont en libre accès sur le net parce que des militaires les postent, avec parfois du hard rock en musique de fond. Le spectacle préexiste à ma démarche. Les États-Majors laissent ces vidéos pour montrer qu’ils font bien les guerres, c’est de la propagande indirecte, ils ne voient pas le problème avec ce genre d’images… »
La croix au centre de l’image devient alors un élément figé, comme dans un jeu vidéo. Et défilent derrière des assassinats, des paysages désertiques ou des scènes de vie quotidienne. Par l’accumulation de ces images publiées en ligne, le film montre leur complexité, les difficultés d’analyse et interroge. Ces images sont-elles représentatives du qotidien des pilotes ? Ont-ils de longs moments d’ennui ?
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