đĄÂ« Habiter Whatsapp » et les comptes Instagram piratĂ©s
Yosra Ghliss, chercheuse en sciences du langage, a soutenu une thÚse sur les émotions et Whatsapp. Les piratages sur Instagram se multiplient et le service client de la plateforme n'aide pas.
arobase, câest chaque semaine une rencontre avec celles et ceux qui font internet (artistes, vidĂ©astes, chercheuses et chercheurs, journalistes) ; des pĂ©pites, souvenirs de temps passĂ© sur internet ou documents originaux ; des rendez-vous de choses Ă voir et Ă Ă©couter.
đĄ Rencontre avec Yosra Ghliss
Ces derniers jours, mes groupes Whatsapp sâagitent. Les vĂŽtres sĂ»rement aussi, et pas seulement parce que certains lecteurs et lectrices de cette newsletter sont aussi des membres des mĂȘmes groupes que moi. « Faut-il fermer ou migrer le groupe ? »
On ne va pas rĂ©pondre Ă la question aujourdâhui. Discutez-en entre vous, migrez sur Signal, restez sur Whatsapp, faites comme vous voulez. Les nouvelles conditions dâutilisations diffĂšrent que lâon rĂ©side, ou non, dans lâUnion europĂ©enne et le contenu des messages restera chiffrĂ© de bout-en-bout, quoi quâil arrive. Les mĂ©ta-donnĂ©es, elles seront en revanche Ă la portĂ©e de Facebook, pour constituer des profils publicitaires consolidĂ©s.
Jâai des tonnes de groupes Whatsapp avec des noms diffĂ©rents. Le dernier groupe que jâai rejoint, « BĂ»ches 2020 » visait Ă documenter la livraison de bĂ»ches rĂ©alisĂ©es par ma grand-mĂšre Ă un cousin. Selon Yosra Ghliss, qui a soutenu une thĂšse â bientĂŽt publiĂ©e â sur la maniĂšre dont on communiquait et gĂ©rait ses Ă©motions sur Whatsapp, ce groupe appartient Ă la catĂ©gorie des groupes avec objectif prĂ©cis. Ils sâĂ©teignent souvent lorsque lâobjectif est atteint. Ils servent par exemple Ă trouver un cadeau pour un ami, ou Ă organiser une soirĂ©e.
La deuxiĂšme catĂ©gorie de groupe, ceux qui correspondent Ă une catĂ©gorie sociale, comme une famille, des collĂšgues, ou un groupe dâamis. Ils sont la continuitĂ© en ligne de groupes existants ailleurs. Pendant la premiĂšre pĂ©riode de confinement, lâutilisation de Whatsapp a explosĂ©, et de nombreux groupes se sont ainsi créés, comme A dĂ©faut dâun cafĂ©âŠ, rassemblant en ligne les habituĂ©s dâun cafĂ©.
Dans un papier co-Ă©crit avec Marc Jahjah en 2019, Yosra dĂ©taille le concept dâ« habiter Whatsapp » : « Habiter, câest pratiquer lâespace, Ă la fois ressource de lâaction et condition de cette action : il se constitue comme environnement Ă mesure quâil est dĂ©couvert et travaillĂ© par les situations personnelles des individus qui mobilisent des compĂ©tences sociales (organisation, planification dâĂ©vĂšnements) et Ă©motionnelles (partage dâanecdotes, consolation ou confession). Habiter WhatsApp câest occuper un espace en y projetant sa vie intime, ses affects, ses souvenirs, de sa relation aux autres. »
La question du nom du groupe est importante. En 2017, jâavais demandĂ© sur Twitter le nom des groupes Whatsapp familiaux. Il y avait Si si la famille, Famille, Petits enfants, Le Clan ou encore La mĂŽmaan Ă© sour ouatesap. Autant de noms qui en disent aussi sur les relations familiales, leurs dynamiques ou leur organisation.
Le travail rĂ©flexif de Yosra permet de rĂ©flĂ©chir Ă sa propre utilisation de lâoutil. « Les conversations sur Whatsapp sont pensĂ©es comme des petits lieux, et on migre dâun groupe Ă un autre, en changeant complĂštement de posture et de comportement », mâexplique-t-elle par tĂ©lĂ©phone.
« Ce que le corpus mâa rĂ©vĂ©lĂ© quant Ă ma pratique, câest ce quâon investit dans les conversations WhatsApp et lâimportance des photos. Elles ne sont pas lĂ que pour donner des informations. Lâusage des photos est un levier pour lâexpression phatique et le maintien du lien. Et on partage des photos sur Whatsapp quâon ne partagerait pas ailleurs. »
La chercheuse distingue ainsi dans les « photodiscours », le terme quâelle adopte pour les captures dâĂ©cran ou photographies rĂ©alisĂ©es en mĂȘme temps que la conversation, trois catĂ©gories : la photo dĂ©ictique, qui permet de situer le ici et maintenant de lâexpĂ©diteur, comme un selfie ou une photo dâassiette, la photo-souvenir, qui sert souvent de catalyseur Ă la conversation en « rĂ©activant des moments partagĂ©s », la capture dâĂ©cran, « passerelle technique dâun espace numĂ©rique Ă un autre » et le phototexte, oĂč on donne Ă lire des informations, comme des extraits de livres.
Jâai rĂ©alisĂ© rĂ©cemment lâimportance des photos dans les conversations Whatsapp lorsque la journaliste Kat Brown a partagĂ© sur Twitter le cadeau de NoĂ«l offert par son mari : un livre avec les photos de leur conversation Whatsapp, sans contexte. Faut-il donc extraire les photos de leur contexte pour mieux encore les apprĂ©cier ?


Pépite
Chaque semaine, je vous propose des pépites, souvenirs de temps passé sur internet ou documents originaux.
RĂ©cupĂ©rer un compte Instagram volĂ©, câest galĂšre. Lâillustratrice Lisa Mandel sâest faite avoir rĂ©cemment et a racontĂ© ça en quelques planches partagĂ©es sur Twitter. « Nous nâavons pas reçu une piĂšce dâidentitĂ© correspondant aux informations rĂ©pertoriĂ©es par ce compte », note le support dâInstagram, alors que les informations ont bien entendu Ă©tĂ© changĂ©es par le voleur de compte.


Toute lâhistoire peut se dĂ©couvrir en plusieurs tweets (ça commence ici, puis lĂ et lĂ , lĂ , et enfin lĂ ). Et le compte a finalement Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©.
Le piratage est assez frĂ©quent et utilise des techniques de phishing. En dĂ©cembre, une internaute avait rĂ©ussi Ă faire plier un pirate en lui expliquant quâelle utilisait son compte pour des collectes en faveur des enfants hospitalisĂ©s, et aussi pour informer sur lâĂ©volution de la maladie de son propre enfant, atteint de cancer.
« Je lui parle de la collecte d'Ayden pour les enfants Ă l'hĂŽpital, un compte utile et important pour moi dans ce que nous vivons et la rĂ©ponse tombe, âsorry momâ, il lĂąche âPasswordâ de mon compte usurpĂ© âim so sorryâ, âsorryâ ! »
En 2018, une enquĂȘte de Motherboard montrait quâInstagram restait souvent inactif face aux tentatives de piratages, ne proposant que des rĂ©ponses semi-automatiques ou gĂ©nĂ©riques. Lâapplication propose cependant depuis la mĂȘme Ă©poque la possibilitĂ© de se connecter avec une double authentification.
A voir
Du 14 au 16 janvier se tient en ligne la confĂ©rence Art && Code : Homemade, sur les pratiques mĂȘlant le code et le « fabriquĂ© chez soi ». Une douzaine de prĂ©sentations seront accessibles en ligne, avec de nombreux intervenant·es.

En plus de la confĂ©rence, un zine a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par les diffĂ©rent·es intervenant·es et propose des origamis, un flip book de Robert Fortune Ă dĂ©couper, une montre en papier Ă monter soi-mĂȘme et de nombreux Ćuvres des artistes prĂ©sent·es.
Art && Code : Homemade, du 14 au 16 janvier 2021, en ligne
Jason Scott, membre dâInternet Archive et de lâArchive Team, a participĂ© Ă la prĂ©servation de nombreux jeux et vidĂ©os Flash, suite Ă la disparition de cette technologie (voir arobase #2). Le Monde lâinterviewe Ă ce sujet.
« Au cours de lâhistoire de lâinformatique, certaines personnes ont, volontairement ou non, créé des langages accessibles aux gamins. Des langages trĂšs simples, qui proposent en quelques clics de poser, par exemple, une tortue et de la faire bouger avec quelques commandes. Pour les enfants des annĂ©es comprises entre 1999 et 2005, ce langage, câĂ©tait Flash. »
Jason Scott, gardien des archives dâInternet : « A lâorigine, Flash est dâabord un mĂ©dia », Corentin Lamy, Le Monde, 10 janvier 2021
Clean With Me (After Dark), dont nous vous parlions dans le cinquiĂšme numĂ©ro dâarobase est sĂ©lectionnĂ© pour Plein(s) Ă©cran(s), festival quĂ©becois de cinĂ©ma en ligne. Il sera donc visible le 18 janvier, sur Facebook. La vidĂ©o de prĂ©sentation est dâailleurs un clin dâĆil Ă diffĂ©rentes rĂ©fĂ©rences culturelles du web.
Comme nous le disions il y a quelques semaines, Clean With Me (After Dark) est un puissant essai fĂ©ministe qui laisse la parole Ă ces femmes qui se filment faisant leur mĂ©nage, sans ironie. Par aggrĂ©gation de leurs vidĂ©os, on voit poindre les questionnements sous le liquide vaisselle. Ces femmes sont souvent seules Ă la maison, avec leurs enfants. Elles crĂ©ent des chaĂźnes sur Youtube pour rencontrer dâautres femmes comme elles. On dĂ©couvre les dĂ©pressions et lâanxiĂ©tĂ© derriĂšres les portes Ă©tincelantes.
Clean With Me (After Dark), Gabrielle Stemmer Festival Plein(s) Ăcran(s), le 18 janvier
đŁ On parle de nous
Lâartiste Marion Balac a beaucoup aimĂ© la vidĂ©o de Thierry Lhermitte que nous avons partagĂ© la semaine derniĂšre. Elle nous en a dâailleurs suggĂ©rĂ© une autre, oĂč Jennifer Aniston et Matthew Perry dĂ©couvre Windows 95. Elle a partagĂ© la vidĂ©o avec ses abonné·es Instagram, non sans souligner quâarobase Ă©tait « magique ».
Faites comme elle : partagez arobase à vos proches, vos abonné·es et plus loin encore.