Un dialogue avec des incels et la fin des Skyblogs
Gala Hernández a réalisé un film depuis son écran d'ordinateur, où elle tente une discussion impossible avec un incel. Skyrock a annoncé la fermeture des Skyblogs.
Rencontre avec Gala Hernández
La Mécanique des fluides, réalisé avec Gala Hernández, est un film comme on en a déjà évoqué ici. Entièrement réalisé à partir de navigation sur le web, il raconte les incels, (pour involuntary celibate, célibataires involontaires) ces hommes misogynes qui pensent être célibataires malgré eux, parce qu’inadaptés au jeu sentimental.
Gala écrit un long courrier à Anathematic Anarchist en réponse à une lettre de suicide qu’il a posté sur Reddit. Elle semble chercher des points communs entre eux. Cruellement, elle révèle les différences et divergences entre une femme célibataire à la merci d’injonctions et d’algorithmes et ces hommes qui s’y vautrent.
Le film raconte ce monde foncièrement misogyne, ses habitudes et tous les fils de la galaxie qu’il tisse, bien résumé dans Le Monde l’été dernier. Gala explore non seulement les traces d’Anathematic Arnachist en lignes, mais aussi les forums d’incels, le fonctionnement de Tinder ou les vidéos des « pick-ups artists », qui expliquent qu’il faut dénigrer une femme pour mieux la séduire.
La vidéo fait également partie de la thèse en recherche-création de Gala, qui porte sur la capture vidéo d’écran. « Je fais une archéologie et une théorie de la capture d'écran comme média à partir d'une analyse d'une série de films qui emploient des captures d'écran pour capturer et donner sens à un réel virtuel fuyant », m’explique Gala par messages. Son titre : La caméra, c'est l'écran.
Le film a déjà été montré dans de nombreux festivals, où il a reçu plusieurs récompenses. Il sera également projeté en octobre au Grand Action, à Paris. Il sera aussi programmé au Salon de Montrouge, en octobre aussi, et aux Rencontres Artec en novembre, encore à Paris.
Une histoire de… Skyblogs
« Dans les années 2000, c'est un des premiers réseaux sociaux au monde, tout est à concevoir pour la première fois », se félicite Pierre Bellanger, le créateur de Skyrock, dans son message d’adieu. Il explique être contraint de fermer la plateforme pour se conformer à la réglementation sur les données personnelles. Avant la fermeture, plus d’1,6 million de skyblogs ont été sauvegardé par le dépôt légal du web à l’INA et à la BNF.
On avait parlé des Skyblogs dans un des premiers numéros d’arobase, à l’occasion de la publication d’une série de podcasts de Lucie Ronfaut. Guillaume Blairon, administrateur système chez Skyrock raconte notamment que l’équipe technique travaillait en horaires décalés pour être présent lors de la montée en charge la plus importante de la journée : « Ils le faisaient tous à la même heure, en sortant de l’école. » Une fois, apprend-on également, le nombre de connexions étaient si important qu’un câble a cramé.
Malgré le déclin de la plateforme, près de 3000 skyblogs étaient toujours créés chaque jour, racontait la journaliste Pauline Ferrari en 2020, tentant d’expliquer pourquoi. Sûrement pour inscrire ses pas dans ceux de Roger Karoutchi.
À lire
« Dans l’arsenal de la désinformation, analyse Eric Tabuchi, les images ne sont que des pistolets à eau. » Nous vous avions parlé de son travail photographique sur les routes de France, avec l’Atlas des régions naturelles. Il entreprend sur Instagram un « troisième atlas », projet d’illustrations générées avec Midjourney, et a y également chroniqué sa conception. Qui sont l’occasion de réfléchir à l’outil, à ce qu’on en fait, et aux mythologies qu’il est en train de créer.
Le photographe estime qu’il faut « batailler » avec l’outil pour « obtenir des résultats probants », soulignant que « l’excès est la règle », que ça clinque et que ça déborde.
« Midjourney s’applique à faire le spectacle, mais avec des fichiers très légers, d’où une esthétique qui s’apparente souvent à un ballon de baudruche bien tendu, brillant et coloré mais vide et prêt à éclater. »
the_third_atlas, Eric Tabuchi, juin 2023
« Personne ne semble s'interroger sur l'origine et les conséquences d'une telle pauvreté des représentations du phénomène, écrit dans Arrêt sur images le journaliste Thibault Prévost, au sujet de l’imaginaire autour de l’intelligence artificielle. Comme si l'intelligence synthétique, les systèmes d'apprentissage automatisé et les agents conversationnels avaient toujours été incarnés par des robots humanoïdes en marbre, d'aussi loin que l'on puisse se rappeler. »
Il explore l’imagerie assez pauvre des médias et plus généralement de l’imaginaire autour des questions d’intelligence artificielle. Celle-ci est « considérée par certaines autorités régulatrices comme une altérité divine omnipotente, incompréhensible et potentiellement apocalyptique », analyse le journaliste, qui y voit un moyen confortable pour les entreprises qui les développement de se garantir « une véritable tranquillité sur le front de la régulation immédiate ».
Les journalistes rêvent-ils d'androïdes blancs ?, Thibault Prévost, Arrêt sur images, 2 juillet 2023
Un dernier pour la route
Comment se comportent différents aliments dans le micro-onde ? Réponse en quelques chorégraphies réalisées par Jane McKennan, une anglaise déjantée.
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