Les cybersorcières rassemblées par Lucile Olympe Haute et des « Silicon Partout »
Lucile Olympe Haute a écrit en 2019 un « Manifeste des Cybersorcières » pour rassembler celles qui se réapproprient la technologies. Les « Silicon » quelque chose se multiplient.
Rencontre avec Lucile Olympe Haute
Il y a quelques jours, Lucile Olympe Haute m’a glissé dans les mains Cybersorcières un petit fascicule de quelques pages, qu’elle a réalisé avec des étudiant·es en art à Cambrai. On y retrouve notamment le Cyberwitches manifesto, qu’elle a écrit en 2019.
« Il est temps d’arrêter de louvoyer ; de se réaligner ; de faire face aux mutations en cours. Non sans anxieté mais avec détermination. Mêlons nos voix : nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend. » – Manifeste des Cybersorcières
L’objectif de son manifeste c’est de « réunir des amies de différents horizons », m’explique Lucile par mail, listant les « sorcières reclaiming / wiccanes », les « développeuses / makers / geek » et les « activistes queer/trans-féministes ». Le manifeste trouve sa source dans la réunion de plusieurs amies « qui se disent “sorcières” », pour un rituel visant à « exprimer la “sorcière” » en elles, en 2017.
Pour Lucile, la sorcière représente aujourd’hui « le double mouvement, entre stigmatisation et empuissancement, retournement du stigmate, revendication, cri de ralliement ». Quant au « cyber » qu’elle a accolé au mot, c’est pour « assumer que notre devenir-cyborg est acté : nos extensions numériques sont des organes qui étendent notre corps dans des matérialités différentes ». Elle conclut : « Le “cyber” de “cybersorcière”, en fin de compte, c'est la partie la plus banale du mot. »
« Utilisons les réseaux sociaux pour se réunir en des rituels spirituels et politiques. Utilisons smartphones et tarots pour nous connecter aux Esprits. Fabriquons des dispositifs DIY pour écouter les mondes invisibles. Notre corps astral parcourt le plan cosmiques des ondes radios. » – Manifeste des Cybersorcières
Le fascicule que m’a donné Lucile Olympe Haute regorge de sources – tout comme le mail qu’elle m’a envoyé il y a quelques jours. Elle indique parmi ses inspirations Tecnoxamanismo, de Camila Melo et Fabiane Borges. Elle recommande de se perdre dans le Cyberfeminism Index préparé par Rhizome.
Certaines de ces « pratiques ésotériques en ligne », comme les appelle Lucile, ont été rassemblées récemment à Dortmund, dans le cadre de l’exposition Technoshamanism, présentée à l’HMKV. Sous le patronage de son manifeste reproduit sur un mur, on trouve par exemple des œuvres de Morehshin Allahyari ou de Tabita Rezaire.
Les cybersorcières dansent « au croisement triple entre conscience politique, émancipation technologique et spiritualité », peut-on lire. Par leurs rituels et leurs pratiques, elles permettent de s’interroger sur la technologie et permettent aussi que chacune se la réapproprie.
L’histoire de… la Silicon Valley
En 2009, stagiaire dans une agence web, j’accompagnais mon chef à une rencontre organisée à la Cantine, à Paris. L’objectif est de réfléchir à des projets pour l’appel à projet « Web 2.0 » lancé par la secrétaire d’État au numérique, dans le cadre du plan de relance de l’époque. Je crois que c’était pour moi la première plongée au cœur du « Silicon Sentier » avec tous les entrepreneurs et autres dirigeants, espérant toucher leur part de la manne financière. Ils se décrivaient « en trois tags », vantaient les nouvelles technologies de l’époque.
Je repensais à cet événement alors que je lisais l’article publié dans The Reboot par Joanne McNeil, interrogée ici-même l’été dernier, partage quelques réflexions autour du terme « Silicon Valley ». Si Paris avait son « Silicon Sentier », on comptait en 2004 plus d’une centaine de lieux pareillement identifiés dans le mlonde, selon un décompte réalisé par Industry Week, cité par Joanne.
Car si la métonymie « Silicon Valley » tend aujourd’hui à désigner n’importe quelle entreprise tech américaine, les lieux de la « tech » sont bien plus nombreux. À commencer Boston, où de nombreuses entreprises engagées dans les premières heures de l’internet étaient installées, le long de la « Route 128 », parfois qualifiée d’autoroute de la technologie.
Joanne raconte aussi comment les entreprises installées à New York, après la crise de 2008 ont pu bénéficier des liens créés avec d’autres secteurs implantés dans la ville, comme la finance, la santé ou la mode, imaginant de nouveaux modèles.
« Aujourd’hui, c’est “Silicon Partout” – l’industrie et sa culture tentent d’acheter toutes les surfaces possibles, jusqu’à la Lune, conclut Joanne. Désormais, alors qu’elle se déploie partout, la formule est la même : le pillage des ressources locales entraîne une transformation complète, jusqu’à ce que plus personne ne se souvienne à quoi ressemblait le monde auparavant. »
À voir
Leurs chaînes s’appellent e-Penser, Dans ton corps ou Nota Bene. Les vulgarisateur·ices sont une famille de vidéastes un peu à part. Les logiques publicitaires qui s’appliquent aux vidéastes lifestyle, beauté ou humoristiques ont du mal à être dupliquées à leur vidéos sérieuses, parfois sur des thématiques trop sensibles pour les annonceurs.
Un article de Vincent Manilève et une vidéo de Stupid Economics explique les modèles économiques de ces vulgarisateur·ices. Certain·es ont eu des sponsors pérennes, apparaissant grâce à des placements de produit. D’autres comptent sur la générosité de leurs abonné·es, grâce à Tipee, uTip et autres cagnottes. D’autres ont participé à des partenariats avec des institutions, comme le ministère de l’Éducation nationale.
Les vulgarisateurs du web et la difficile éthique des partenariats, Vincent Manilève, 21 novembre 2021 et Entre soft power et propagande, qui finance les vidéastes ?, Stupid Economics, 21 novembre 2021
À l’invitation du musée du Jeu de Paume, Caroline Delieutraz (invitée dans notre newlsetter) revient sur le processus artistique à l’œuvre dans Deux Visions, des dyptiques faisant correspondre aux photos de Raymond Depardon leur équivalent dans Google Street View.
Caroline essaie ainsi de retrouver une photo de Raymond Depardon dans la Nièvre. On y voit deux cheminées de centrale nucléaires fumantes, un arbre fraichement taillé et une sculpture de femme. « L’image a quelque chose d’irréel », commente Caroline.
Son voyage sur Google Street View montre des cheminées floutées, pour des raisons de sécurité et montrent l’impact des algorithmes automatiques sur ces photos qu’on pense trop naïvement refléter la réalité, comme nous l’évoquions l’an dernier.
Le monde à l’ère post-photographique : arpenter Google Street View avec Caroline Delieutraz, Caroline Delieutraz, Palm, novembre 2021
Un dernier pour la route
Ce tweet permet à celle et ceux qui n’ont pas une utilisation très régulière de Snap de découvrir une pratique de deux adolescent·es américaines, où doivent être entretenues les petites flammes et crush...