🌨 Le best-of d'hiver
Des webcams pour surveiller les incendies, l'utilisation d'internet par les artistes, une enquête en ligne à la recherche d'une fleur et de l'ASMR artistique au menu de ce second florilège.
Je vais excuser ma désorganisation au nom d’une bonne habitude. J’ai envoyé quinze numéros d’arobase, dont un « best-of » à l’occasion de Noël. Ce numéro-ci, qui vient après sept numéros normaux, va être également un « best-of ». Voilà donc diverses choses, en lien avec des précédents envois, ou non.
Visio-folies
Peut-être que la même œuvre n’aurait pas eu le même effet sur moi il y a un an… Ultrachunk, de Memo Atken, dont une œuvre est visible actuellement à Mains d’Œuvres, à Saint-Ouen, dans le cadre de l’expo Stranger Dreams dont nous parlions la semaine dernière, prend une autre dimension après une année de visio en tout genre.
L’œuvre est réalisée à partir d’une compilation d’images enregistrées par la chanteuse Jennifer Walshe. Chaque jour, elle s’est filmée, chantant face à sa caméra. Toutes ces vidéos ont nourri un algorithme apprenant qui ensuite recomposait des morceaux, en direct, et en duo avec Jennifer Walshe.
Deux traces de la performance existent : une vidéo montrant ce que l’ordinateur a produit, visible ci-dessus, et une autre montrant le duo, légèrement moins glitchée et peut-être plus onirique que la première. Ultrachunk résume, à mon sens, à la perfection, une année d’appels en visio subis.
Départ de feu
À la suite de ma conversation avec Pauline Chasseray-Peraldi, qui cherche, dans les interactions entre la « Google Car » et la nature, des traces de la machine, j’ai moi aussi gardé l’œil ouvert sur ces moments où la machine se trahit.
L’artiste Everest Pipkin a attiré mon attention – et celle de l’ensemble de ses abonné·es sur Twitter – sur un service de webcams en direct imaginé pour surveiller les incendies dans l’Ouest américain. Les webcams partagent des images des plaines californiennes et les internautes sont invités à signaler les départs de feu qu’ils peuvent voir.
Ces images sont doublées d’un « bot Twitter » qui publie régulièrement des photos prises par ces webcams. Le bot CALandscapeBot a partagé pendant plusieurs semaines la même image d’une webcam prise par les flammes, dont le compteur s’est arrêté le 19 août 2020 à 23 heures 22. Une vidéo retraçant les derniers moments filmés par cette webcam a été publié en ligne, montrant l’avancée du feu. « Je pense que c’est la première fois que je suis triste pour une webcam », remarque moreisee sur reddit.
« La tour d’origine a été endommagée, puis démontée, m’explique Graham Kent, le responsable du programme par mail. Une tour temporaire est en place, et la caméra de remplacement devrait arriver dans les semaines qui viennent. Et la vue devrait être encore plus belle lorsque la tour définitive sera construite. »
En attendant, on peut regarder les autres webcams installées et, à défaut de départ de feu apercevoir quelques oiseaux qui s’installent devant l’objectif, pratique dont nous parlions dans le précédent numéro d’arobase.
Internet pour les artistes
Allison Parrish, une poète travaillant avec l’aide de machines, qui répondait à nos questions il y a quelques semaines, me racontait le rôle qu’internet pouvait avoir sur son travail et sa pratique :
« Je suis moins optimiste aujourd’hui au sujet d’internet en tant que technologie libératoire que je ne l’ai jamais été dans ma vie. Malgré tous mes efforts, beaucoup de ce que je publie en ligne – comme un post Instagram – profite à des grandes entreprises – comme Facebook – autant qu’à moi. Honnêtement, je pense qu’internet aujourd’hui apparaît davantage comme une limitation de ma pratique que comme un facilitateur – par exemple, je me découvre faire plutôt des œuvres qui n’attirent qu’une attention particulière, et dans une quantité particulière. Et en même temps, j’adore pouvoir parler à un public globalisé, au croisement de mes différentes pratiques, l’art, la poésie et la technologie. »
Fleur inconnue
Pendant un peu plus de six mois, du 29 juillet au 11 février, la photo d’une fleur sur Wikipedia a reçu 70 millions de vues chaque jour, en moyenne. Intrigué par ce hotlinking, c’est à dire un lien direct vers un contenu hébergé ailleurs, les bénévoles de Wikipedia ont investigué, en groupe, et en toute transparence.
Après différentes analyses, détaillées dans la conversation, les enquêteurs ont su remonter jusqu’à une application utilisée en Inde. Le pic constaté fin juin pouvant correspondre à l’interdiction dans le pays de TikTok, encourageant une application locale du même acabit.
Il se trouve que l’image est utilisée dans du code source dupliqué par de nombreux développeurs, et que ce code s’est retrouvé dans l’application, que les enquêteurs numérique n’ont pas voulu nommer.
« Nous avons réussi à entrer en contact avec les développeurs de l’application, raconte Joe, un des bénévoles. Ils ont confirmé nos suspicions et ont promis qu’ils allaient poster une nouvelle version corrigée de l’application rapidement. »
Et si l’application chargeait l’image régulièrement, ses utilisateurs n’ont jamais eu l’occasion de la voir. La fermeture de TikTok en Inde fait exploser le nombre de vues sur une photo prise aux Pays-Bas. « C’est une version étrange de l’effet papillon, mais avec du code “lorem ipsum”1 », conclut le média Rest of world.
ASMR artistique
On a déjà parlé de l’ASMR, et on y revient. Caroline Delieutraz, avec qui nous avons échangé dans une précédente newsletter, a collaboré avec l’artiste ASMR Behind The Moons et le Studio 13/16 du Centre Pompidou pour proposer des vidéos très originales : des explorations en ASMR d’œuvres de l’art numérique, réunies sous le titre Je te relaxe en touchant des oeuvres.
« Je trouve ça assez ironique quelque part, que dans cette vidéo où j’essaie de vous détendre, je vous montre un écran brisé parce que généralement dans nos vies, quand on a affaire à un écran brisé, c’est rarement un moment relaxant ou reposant », sussure au micro Behind the moons alors qu’elle explore Return of the Broken Screens, œuvre conçue par le duo d’artiste Emilie Brout et Maxime Marion.
Le Studio 13/16 va poster une œuvre ainsi explorée chaque semaine, pendant six semaines, sur Instagram. Une version longue, avec toutes les œuvres, sera également postée le 10 mars par Behind the moons sur sa chaîne Youtube.
L’expérience joue avec les pratiques muséales imposant de ne pas toucher les œuvres, et les restrictions actuelles pour proposer une nouvelle expérience autour de plusieurs œuvres post-Internet. À suivre !
On parle de nous
« Vous aimez l’Internet, vous aimerez arobase », promet, sur Instagram, Caroline Delieutraz. Faites comme elle, partagez arobase à vis ami·es et vos abonné·es. Et n’hésitez pas à me partager ce que vous aimez sur internet.
J’ai tenté une traduction de throwaway code, sans certitude.